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Secours Islamique : La souffrance n'a ni origine, ni religion, ni genre...la solidarité non plus.

Dernière mise à jour : 16 avr. 2021


  • Quel est votre parcours professionnel et caritatif ?


Mon parcours universitaire est classique. J’étais à l’université de Nancy 2, où j’ai obtenu un diplôme en Gestion et Economie. J’ai ensuite fait 5 ans de recherche pour faire une thèse, j'étais en parallèle professeur de marketing. Mais, je continuais à m'intéresser aux actions caritatives et humanitaires. C’est grâce à une rencontre, je dirais, de circonstances. Que j’ai accepté d'initier cette aventure de maintenant 30 ans de cela.


  • Comment s’est passé la création de l’association ?


La création de Secours Islamique c'était l’initiative d’une organisation Britannique qui s’appelle Islamic Relief. Cette dernière voulait s'installer en France pour apporter leur aide ici. Quelqu’un les a dirigé vers moi, alors que j'étais toujours professeur à ce moment-là. Donc, après avoir accepté leur offre de monter l'équivalent de Islamic Relief ici en France, j’ai mis en place de A à Z toute l'organisation de cette nouvelle association. Elle était au départ une organisation française indépendante, qui appartenait à un réseau mais nous l'avons quitté en 2006.


  • Quel est le concept et les objectifs de votre association ?


Le Secours Islamique n'a qu'un seul objectif : Soulager la souffrance des personnes en difficulté ! Voici le but ultime de l’organisation, ni plus, ni moins. Dès le départ c'était une organisation qui s’est faite sur la notion de sans frontiérismes, c'est-à-dire, de l’urgentiste et d’apporter de l’aide dans les situations de catastrophes naturelles par exemple, ou de conflit que le monde a connu et qu’il continue de connaître.

Notre organisation a des fondements religieux, mais ce sont principalement des fondements humanitaires avant tout. Nous ne sommes pas une organisation de prêche, nous ne faisons ni de la politique, ni de la propagation de quelconque. D’ailleurs, nos salariés sont de différentes origines et de différentes confessions. On répond à un cahier de charge qui est affiché sur notre site. Tout le monde est le bienvenu tant qu’ils respectent les valeurs humanitaires de l’organisation et notre but principal qui est d’aider tout le monde.


  • Quelles sont vos actions en faveur de l’éducation ?


L'éducation fait partie intégrante de notre travail. Nous nous intéressons énormément à la prise en charges des enfants en situation de fragilité. Les orphelins, les enfants issus de famille en situation d'extrême pauvreté, ainsi que les enfants dans la rue n’ont pas accès à l'école, à l'éducation, et à des moyens de vivre convenablement. Donc, nous avons décidé de mettre en place un système de parrainage afin de les prendre en charge et de subvenir à leur besoins.

Aujourd'hui, nous veillons sur 10 000 enfants dans le monde, grâce à nos assistantes sociales que nous déployons sur le terrain. Ces assistantes veillent à ce que ces enfants suivent un cursus normal et qu’ils aient des bonnes notes si ils ont des difficultés, nous essayons de les soutenir en leur procurons plus d'aides avec leur devoirs par exemple. Parfois, dans le magma des réussites, il y a des enfants qui décrochent comme partout dans le monde. Quand cela arrive, nous essayons de leur proposer des formations professionnelles, et les orienter vers un travail plus tard. Nous les prenons en charge jusqu'à la fin de leurs études universitaires, ou leur accès à un travail. Depuis le début de ce système de parrainage, nous avons eu énormément de réussite, et nous voila aujourd'hui parrainons des enfants depuis 20 ans.


  • Quel est votre champ d’action ? Ou intervenez-vous ?


Nous intervenons partout dans le monde, tout en gardant une échelle de priorité. Nous sélectionnons les pays qui ont le plus besoin de notre aide. Les Nations Unis ont classé les pays selon leur niveau de pauvreté. Sur cette liste, nous retrouvons des pays tels que le Niger, le Mali, et le Bangladesh, où nous intervenons également. Nous sommes aussi présents en cas de situations d'urgence,

Par exemple, nous intervenons dans beaucoup de pays du Moyen-Orient, où il y a des conflits en ce moment même. La Somali, qui est en urgence éternelle depuis des années, est aussi un de nos pays les plus convoités. A chaque fois qu’il y a une crise majeure, nous intervenons. Pour les urgences non majeures, nous déployons un fonds d'urgence, et non une équipe qui ira sur place.


  • Combien êtes-vous dans l’association ?


Aujourd’hui, nous sommes 110 personnes au sein des trois sites en France. Le siège social à Nancy accueil une centaine de personnes. Il y a ensuite le site de Saint Denis, où nous faisons que de l’action social, donc c'est que les intervenants qui y sont principalement. Finalement, nous avons le site de Lyon. Nous accueillons également des milliers de bénévoles, la majorité étant des jeunes ( à 99%) qui veulent vraiment apporter leur aide et leur temps même. A l’international, nous avons à peu près aussi des employés permanents, certains expats qui ont des postes spécifiques et des compétences spécifiques.


  • Quelles sont vos autres domaines d'interventions ?

Nous travaillons aussi dans pleins de domaine relevons de l’international, en situation d’urgence, mais aussi pour le développement.


Par exemple, nous réhabilitons des écoles ou d’autres lieux abandonnés pour que les personnes en situation de danger puissent s'installer. Au Sud de Chad, nous avons déployé les moyens pour la construction de bâtiments pour les familles réfugiées. Par exemple, durant les cyclones, Nous avons aussi donné des matériels provisoires pour s'abriter (des tentes par exemple).

Nous avons beaucoup de sous-projets. Par exemple, en France on a des centres d’accueil de jour et de nuit exclusivement pour les femmes, sans ou avec leurs enfants. Nous avons aussi des épiceries solidaires, nous distribuons des colis festifs à des prisonniers et des indigènes .


  • Comment s'organise la gouvernance et les prises de décisions dans votre organisation ?

Notre gouvernance est comme toute celle d’une association qui suit la loi 1901. C’est un type de gouvernance pyramidal, avec un Conseil d’Administration élu. Le CA est renouvelable tous les 3 ans et est composé de 12 personnes, qui vont élire à leur tour un.e président.e et un bureau avec le trésorier, vice-président.e et secrétaire. Nous avons les réunions classiques, qui se déroule 3 à 5 fois par an. Le président s’occupe de la représentation juridique et institutionnelle, et également du plaidoyer également car il ne suffit pas que d’aider, mais de défendre aussi les droits des personnes qui sont en difficulté.


Pour l'opérationnel, il est dirigé par un comex, présidé par le directeur exécutif et les directeurs de nos 5 départements. C’est donc eux qui suivent au quotidien l'exécution au niveau national et international. Donc il y a des mandats qui sont signés. Nos rapports sont certifiés par le commissariat en compte qu'on a choisi. Toute information nous concernant est bien évidemment transparente et peut être retrouvée sur notre site. C’est pour cela que nous sommes aujourd’hui parmi les meilleures organisations reconnues par le label “le Don en confiance” parce qu’on est très respectueux de la volonté et de la gestion des donateurs. Nous participons également à toutes les plateformes qui existent. Moi même je suis vice-président de Coordination Sud, qui est la plateforme des ONG françaises qui regroupe 170 organisations.


  • Quelles sont vos sources de financement ?

Notre financement vient à 70% de dons privés. Des campagnes se font tout l’année pour solliciter les donateurs privés et ça depuis le début de notre existence. Les 30% restants sont issus de financements institutionnels. Nous recevons de l’aide d’autres grandes institutions, par exemple, nos projets en Syrie sont exclusivement financés par les Nations Unis.


  • Quels sont les réussites de votre association ?

Notre particularité culturelle nous permet d’intervenir chez des populations considérées comme fermées ou difficiles d'accès.


  1. LE PROJET TALIBET

C'est le projet phare que l’on a commencé au Sénégal et qui est maintenant le plus important au Mali.

Ce projet cible les enfants des écoles coraniques.

Dans ces pays pauvres, ces enfants sont utilisés pour la mendicité, soi-disant pour financer leur cursus. Le maître coranique est soi-disant obliger de les envoyer mendier dans la rue, parfois dans la violence et l’exploitation. Ce sont là les cas extrêmes.

Nous avons essayé de rentrer dans ce système structuré ainsi. Au Sénégal ça nous a pris trois ans, avant d’arriver à convaincre ces écoles et ces maîtres de les aider. Ils vivent dans des taudis et dans des conditions catastrophiques : habillement, nourriture, logement, exploitation, violences. Ce sont les choses qui nous ont alerté. Nous sommes donc partis pour améliorer le bien-être de l’enfance. Nullement pour intervenir dans le champ religieux car ce n’est pas notre mandat. On voulait d’abord améliorer le quotidien de ces enfants, qu’ils s’installent dans des lieux convenables, ramener de l’eau quand il n’y en avait pas et surtout encourager l’éducation des enfants pour qu’il est la possibilité s’il le souhaite d’aller dans une école.

Après de nombreuses discussions qui ont pris des mois et des années nous avons réussi ! Nous avons réussi à influencer le gouvernement malien pour qu’il intègre ces écoles dans le système scolaire, c’est-à-dire que les élèves aient les mêmes droits que les autres écoliers et que les maîtres coraniques soient reconnus avec un statut…


2. LE PARRAINAGE D'ENFANTS, solution à l’absence d’éducation


Depuis 20 ans, je suis moi-même parrain. C’est un grand plaisir que l’on puisse avoir en tant que vieux de l’organisation, de voir les enfant que l’on a parrainé quand ils avaient 6 mois devenir des cadres qui participent au développement de leur pays. Il y en a une par exemple, orpheline, diplômée d’université grâce au parrainage, qui travaille activement dans notre organisation. Nous avons fait une fête par exemple à Gaza pour ces enfants qui ont réussi, et sont devenus des pharmaciens, des ingénieurs…


3. Projet de création d’un laboratoire d’agronomie mené avec l’université Alazard de Gaza.


Nous avons réussi à créer un laboratoire labellisé, pratiquement bio, qui produit de la nourriture sécurisée à Gaza. Le deal c’est fait avec les agriculteurs et les éleveurs. Les étudiants de l'université apprennent avec les agriculteurs. Tous les produits nocifs ont été abandonné ce qui a permis d’obtenir un label. Les commerces et les grossistes ont même accepté payer plus cher pour pérenniser ces ressources. C’est un projet intégré, qui tourne maintenant sans notre intervention.

Et c’est une réussite ! Il faut imaginer que le projet s'est fait dans un territoire instable qui est sous blocus. Ce qui est produit est bio, dans un lieu plein de produits de guerre.


Essayer de construire un projet avec les gens, c’est là, la réussite !


  • Qu’est-ce qui vous motive au quotidien dans ce que vous faites ?


Qu’est-ce qui me motive…

C’est la situation qui s’aggrave de plus en plus pour les personnes en difficulté et le sens que l’humanitaire a donné à ma vie.

J’avais le choix, je pouvais partir, prendre une canne à pêche et aller pêcher au bord d’une rivière. Mais est-ce que c’est aussi intéressant que de continuer à souffrir ?

Parce que c’est une souffrance de travailler dans l’humanitaire, avec ces problèmes qui prennent parfois énormément de place dans la vie et dans la tête. J’ai choisi cette chose-là, parce que l’on a la chance de travailler pour les personnes qui sont exclues.

Notre définition c’est d'être au service des personnes. C’est un honneur.


Et nous avons continué malgré la crise. En France, par exemple, en livrant des repas.

Avant on faisait des tables pendant le ramadan, musulmans et non musulmans mélangés, des services de plus de 1000 personnes à Paris en une soirée et pendant 30 jours. Aujourd’hui covid oblige on fait des livraisons. Parce que l’on ne peut pas laisser les gens. C’est facile de dire, allez on ferme boutique et rien ne se passe. Mais non, psychologiquement, moralement, on faillit à notre responsabilité. On a accepté dès le départ d’aider ces gens donc il faut assumer. Ça fait également plaisir de travailler avec toutes ces personnes. Pas dans les bureaux, dans les bureaux c’est les disputes, les problèmes, les chamailleries… Mais quand on va sur le terrain, quand on va même ici en France à la rencontre de ces personnes, que l’on arrive à dessiner un sourire sur leurs lèvres, d’être gratifier d’un merci, d’une prière… C’est énorme ! Ça fait oublié toutes les souffrances. C’est plus que motivant. Ce travail est plus que motivant.


Je sais qu’il y a peu de gens qui peuvent résister car ce n’est pas un travail facile. Aujourd’hui c’est la voie du changement, les personnes restent 2, 3 ans. Il n’y a plus cet engagement total.


Il faut venir avec plaisir travailler dans l’humanitaire, mais il faut également avoir les reins solides et les épaules solides, parce qu’on fait face à des situations extrêmement graves. On ne peut pas aider tout le monde, on doit faire des choix, on choisit nos actions, nos projets, qui est aidé, qui n’est pas aidé… Ce n’est pas évident.

Mais si on n’y va pas par conviction et par plaisir ce n’est même pas la peine.


"Mais quand on va sur le terrain, quand on va même ici en France à la rencontre de ces personnes, que l’on arrive à dessiner un sourire sur leurs lèvres, d’être gratifier d’un merci, d’une prière… C’est énorme !"

  • Si vous deviez donner un conseil à celles et ceux qui veulent se lancer, qu’est-ce que ça serait ?


Partir à l’international, aller dans les sièges des organisations où l’on gagne plus sa vie et où l’on vit mieux. Il y a des gens qui ne travaillent qu’à l’étranger et qui réussissent à se construire un patrimoine. Ça c’est pour les jeunes aujourd’hui.


Gagner sa vie dans l'humanitaire n'est pas forcément évident, car gagner de l'argent est mal vu en France. En Angleterre, les ONG paient comme une entreprise pour ramener les meilleurs dans l’humanitaire. C’est pour ça qu’ils vivent mieux que nous. En France, un donateur va regarder avant tout ce que gagne les dirigeants. Il ne regarde pas leurs réussites, ce qu’ils font, leur apport à l’organisation humanitaire, à son rayonnement. Non, avant tout, ils vont regarder leur rémunération et dira haaaa comment ça se fait ? Parce qu’ils pensent que quand tu travailles dans une organisation humanitaire tu ne dois pas gagner d’argent. C’est une vision franco-française, qui ne fait pas tellement avancer les choses. C’est pour cette raison que pour beaucoup d’organisations, elles ont du mal à pouvoir afficher les salaires des dirigeants. La mentalité anglo-saxonne n’a aucun problème avec ça, elle considère que c’est normal. Pour mener une action, on a besoin d’une bonne administration, d’une bonne équipe…


L’humanitaire, aujourd’hui, c’est également professionnalisant. Il y a des formations dans l’humanitaire. On ne vient pas aujourd’hui dans l’humanitaire sans être formé, sauf pour les métiers où la formation universitaire suffit. Si vous êtes contrôleur de gestion, vous allez faire du contrôle de gestion, si vous êtes comptable vous allez faire de la comptabilité… Mais à l’international, même si vous êtes comptable, il peut y avoir une formation supplémentaire.

Pour réussir, il faut certainement de l’engagement. C’est-à-dire aimer faire de l’humanitaire, aimer aider l’autre. Ça peut vous amener à travailler d’une manière plus à l’aise. Je suis utile.


L’engagement. La prise de risque. Avoir les reins solides pour supporter tout ça.

"L’humanitaire, c’est avant tout une aventure humaine."

  • Est-ce qu’il y a une phrase, une citation qui vous inspire ?


Je vais vous citer un verset.

C’est un verset qui traverse les trois religions.


" Celui qui tue une personne, c’est comme s’il avait tué toute l’humanité. Celui qui rend la vie, c’est comme s’il avait rendu la vie à toute l’humanité. "


Nous, nous n’apportons pas la vie.

On donne l’espoir à des populations manquant d’espoir.


Je me rappelle quand on est parti à Gaza pendant le bombardement. Ce que voulait les Palestiniens étaient que l’on reste à côté d’eux. Ils disaient, non, on a besoin de rien, seulement de sentir que vous êtes avec nous. C’est gens-là, ils ont parfois besoin, qu’on leur trace un chemin d’espoir. Sentir qu’ils ne sont pas seuls. Qu’ils peuvent s’en sortir un jour.


C’est très, très important. Nous ne sommes pas des gouvernements, nous sommes des gens qui allumons des bougies d’espoir. Beaucoup de choses, relèvent de la puissance des gouvernements, des Nations-Unis. Les ONG ont la liberté de pouvoir aller là où il y a les besoins, sans calcul politique. Même si notre gouvernement nous l’interdit, on y va ! On y va quand même, car l’on pense que ces gens ont besoin de nous. Nous sommes, je dirai, des gens qui essayent de maintenir la vie, pour des gens qui sont en danger de la perdre.


"nous sommes des gens qui allumons des bougies d’espoir"


Merci à Monsieur Rachid Lahlou pour cette interview très intéressante et très riche,

Pour découvrir Le Secours Islamique, c'est par ici : https://www.secours-islamique.org/


D'autres articles vous attendent également sur notre blog,

Mais avant de partir, n'hésitez pas à aimer, commenter et partager !


L'équipe de l'ODD 4, vous remercie.


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